La mort dans l'âme, la cigale s'en fût entre les morsures de la faim et de l'hiver. Elle sentit tout ses membres s'engourdir petit à petit sous le poids de sa défaite et de son dernier espoir, coulé par l'avidité et l'égoïsme de sa voisine, la fourmi. Elle entonna une réflexion lugubre et chargée de désespoir en contemplant son compagnon de tous les jours, son violon. Elle lui demanda de lui pardonner sa faiblesse et de ne plus être à la hauteur d'une telle amitié si exigeante. Les violons ont besoin d'affection mais aussi de travail et de rigueur. Ils ne vous sont fidèles que si vous leur consacrez du temps et votre âme. Bref ! Si vous faiblissez un beau jour, ils vous méprisent de fausses notes et de timbres grinçants, et au mieux ou au pire c'est selon, à entendre. Elle se mit soudain à sangloter dans son esprit froissé. L'ombre d'un cauchemar lui fit entrevoir un destin tragique, avec, il faut le dire, sa part d'ironie; Les violons tout comme les fourmis... se ressemblent; Si vous devenez malade ou fatigué, indigent ou mal lunés, ils vous assènent de leur logique froide et raide en pleine tête, comme un chêne qui se moquerait du roseau, et se font passer pour les détenteurs d'une sagesse sans failles, avec des allures de stoïcisme devant l'abominable. En contemplant le paysage enneigé autour d'elle, avec se qui lui restait d'un oeil de poète, elle eut comme une illumination fugace, comme un flash dans vos rétines. Elle se sentit tout comprendre et tout accepter; Que la nature elle même ne se revêt pas toujours des douces prairies verdoyantes et fleuries et de ses promesses de paradis. L'hiver étant nécessaire à l'équilibre de la vie , elle, cigale, n'est que la goutte d'eau dans un monde en constante métamorphose. La lumière du jour déclina depuis l'horizon, se répendant sur le manteau blanc de la terre; La végétation pris des reflets jusque là encore inconnus. Les ombres sous la lumière déclinante prennent de l'importance et sont prêtes à engloutir tout autre couleur que les leurs. Les formes se déforment et vous percutent dans les profondeurs de l'esprit; un rocher deviens un cauchemar, une feuille un trou noir rectangulaire ou oblong sur l'infini. Un vide se forma dans la musique de son âme et de là surgit un cri; "Pourquoi ?"s'entendit-elle crier dans sa tête et dans ses chairs; "Pourquoi ?" Comme un son sans début ni sans fin. Accaparant tout l'espace de l'harmonie environnante. "Suis-je donc maudite ? L'amour et l'alegresse n'étaient-ils que des leurres pour soulager les prétendus détenteurs de la réalité ?! N'y a t-il donc pas un dieu des cigales ?" Cette réflexion la jeta sur un rire auto-dérisoire à cheval entre le lugubre et la sagesse foudroyante. "Mais dieu ne s'occupe pas que des cigales", s'entendit-elle rajouter bien malgré elle. Dans ce soubresaut de l'âme, entraînant La Cigale dans une caricature d'elle même et longeant les murs bien peu épais entre la raison et la folie, elle trébucha sur une pierre cachée par la neige et s'affala bien sur le duvet mortel de l'hiver et se fracassa le nez dans un ruisseau glacé par le temps. D'un oeil hagard, elle se mit à se relever et à regarder autour d'elle les arbres lui sourire d'une expression moqueuse et indocile. L'un d'eux prit la forme d'un violon et se mit à lui dire; "Je te l'avais bien dit, le temps de tes beaux jours. Fais de la musique qui plaise aux hautes sphères de la société et pour ceux qui donnent de l'argent pour ça. Des mélodies façiles et déja connus. Plus simples à retenir et à évoquer des souvenirs. Même chez les fourmis." La Cigale regarda cette apparition de deux gros yeux humides et hébétés; "Mais", répondit-elle en staccato, "Je... voulais... t'honnorer dans ta complexité. Rechercher la perfexion de l'improvisation pure si semblable à la nature, qui bien qu'elle semble se répeter, ne refait jamais deux feuilles d'arbre se ressembler" . "Tu y avais pourtant pensé" lui rétorqua le violon aux allures de fantôme, "n'oublie pas que je sais tout de toi...". "Mais ... tu... n'es pas..." La Cigale s'arrêta brusquement dans sa réponse pour voir la tête du violon prendre le forme de sa voisine La Fourmi. Elle secoua ses antennes et se frottât les yeux et se mit à crier contre cette chimère. "Tu n'es pas réel. Tu n'es que le fruit de mon imagination déclinante par la faim et le froid. Je te tuerai et t'enfermerai dans ton étui jusqu'à ce que tu me supplies de t'ouvrir". Étourdie par ses propres raisonnements, La Cigale se laissa aller au sol pour reprendre ses esprits. Elle trouva curieux de ne plus sentir les brûlures du froid quelques instants et contempla les millions de flocons en forme d'étoiles effaçant peu à peu les dernières traces de pas sur le manteau neigeux. Le vent glacial lui chanta ses mélodies légères et tranchantes de la justice de mère nature, dans un tourbillon auréolé de quelques feuilles mortes. Dans ce petit groupe aux allures joyeuses d'un vol de fées sur les vagues du vent, la page d'un vieux livre se détacha de cet escadron et vint assommer La Cigale de pleine face, en prenant les contours de son visage. Elle se débattit contre ce masque et tout à son oeuvre, elle en aperçut le titre: La cigale et la fourmi de Jean de La Fontaine . "Ça alors" se dit elle en oubliant quelque peu la tyrannie du froid. " Quel coïncidence...". Elle regarda de plus près cet étrange papier et y vit en petits caractères en bas de page: Édition de 1668 . "Tiens" continua t-elle éberluée à méditer, "je ne connaissais pas cet éditeur. Quel drôle d'idée de prendre un chiffre pour nom, et puis; qui est se La Fontaine ?!...". Elle flotta quelques instants dans ses pensées entre ciel et terre, oubliant tout à fait l'opéra tragique de l'hiver. Vous pouvez oublier le froid, mais lui, ne vous oublie pas. Et c'est d'un frisson de tout son corps et âme qu'elle revint à la réalité. Elle ressentit les morsures du froid doublées d'intensité comme des millions de fourmis vous pénétrant par les pores de la peau et qui s'exciteraient avec je ne sais quelle odeur alléchante. Elle entendit à nouveau le chant de son ventre lui criant famine et tous ses muscles se plaindre de telles conditions. Une chanson d'espoir lui surgit du fin fond de son être, apportant une sorte de réconfort subliminal à tous ses membres endoloris. "Résiste..." lui disait cette voix; "résiste et marche..." et elle s'atténua dans un écho caverneux au son de "arche... arche...". "Mon archet !" s'écria La Cigale; "j'ai oublié mon archet à côté de chez La Fourmi.... Comment vais je pouvoir jouer? Et c'est l'heure de mes gammes !" s'entendit elle dire légèrement hors d'à-propos. "Cela fait des jours et des jours que je ne peux plus correctement faire mes saintes gammes quotidiennes depuis que j'ai mes doigts completement gelés. Comment vais-je pouvoir bien jouer à présent", continua t-elle à parler/chanter gravement en secouant du doigt vers un interlocuteur imaginaire, comme prenant tout son environnement à témoin. "Mais... cela n'a aucun sens.Je suis en train de mourir et je ne pense qu'a mes exercices""C'est vraix que je ne suis pas entièrement accordé aux réalités de se monde". Elle posa a nouveau un oeil sur la vieille page illustré restée dans sa main; "Je crois rêver " se mit elle en réflexion andante, puis elle se mit à lire : La cigale ayant chanté tout l'été, se trouva fort dépourvue, quand la bise fut ...>> elle leva la tête aux cieux et interrogea l'univers d'un profond soupir; "Est-ce que les dieux se jouent de moi? Je... ne..." Mais la page lui fut arraché des mains par une bourrasque de vent siffleur. Elle essaya de la rattraper, mais en vain et elle ne put que voir s'éloigner cette voyageuse, tourbillonnant au gré des vents et d'un sifflement capricioso.
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