mardi 14 octobre 2008

Réel vs Imaginaire ?




Qu'est ce que la réalité... ?
Voilà une question bien ardue à répondre si l'on veut explorer le sujet en profondeur et prendre en compte diverses disciplines ( à défaut de les prendre toutes) sur le sujet. Je peux commencer par donner ma première définition qui me saute à l'esprit comme une évidence:
La réalité, c'est ce qui existe...
Ceci dit, en formulant cette phrase et en essayant de voir jusqu' où sa logique reste exacte, le doute vient aussitôt s'installer dans mon esprit... car si j'utilise cette simple vérité, alors une foule de possibilités s'ouvrent à moi sans aucune volonté de ménagement de mes certitudes. Car alors tout devient possible; Ce que je regarde à la télé est réel car effectivement cela fait du bruit, il y a des images faites par des gens qui existent eux aussi. Wall.e c'est une suite de dessins et d'images de synthèse qui se succèdent devant nos rétines éblouies devant l'émotion que cela nous provoque. Spiderman, qu'il soit en film, en dessin animé ou bien en bande dessinée, c'est un personnage qui évolue comme une araignée et décide de devenir un justicier étant donné ses super pouvoirs, et tout ceci, véhiculé grâce aux scénarios sortis de l'imaginaire de ses créateurs jusqu'à la palette énorme des techniques audiovisuelles pour que le personnage prenne consistance devant nos sens qui ne peuvent rester indifférents à ce qui leur arrive. Je peux même du coup faire un petit vol au dessus des jeux vidéo et de leur réalité virtuelle...
Voila qu'une nouvelle notion s'impose d'elle même; la réalité virtuelle...
Il n'y aurait apparemment pas qu'une seule réalité mais bien plusieurs ( déjà au moins deux...) et si je récapitule un peu mon introduction quelque peu timide, la notion de réalité psychologique semble être une bonne explication à l'engouement de mes sens face à toutes ces stimulations externes qui arrivent sous diverses formes. Sous quel emballage cela m'importe peu ( audiovisuel, jeux vidéos, livres, journaux...) disons que le dénominateur commun est "l'histoire" qui m'est contée, et que mon cerveau prend en considération et tente de donner du sens à toute ses avalanches d'informations pour y trouver une certaine utilité pratique: telle histoire est faite pour me divertir, telle autre pour réfléchir, celle-ci pour apprendre des faits, celle là pour réveiller mon âme romantique et j'en passe. L'histoire la plus farfelue et impossible à nos yeux peut au-moins faire partie des histoires impossibles, comme si le non-sens (ou ce qui est impossible) permet d'éclairer ce qui a réellement du sens (ou ce qui est possible).
Je me retrouve ainsi donc non pas avec une réalité, mais plusieurs...
Réalité, réalité virtuelle, réalité psychologique...
Ma toute première définition de réalité; "la réalité, c'est ce qui existe", se trouve paraître insuffisante pour servir de repère fiable à une réflexion sans aucun contre sens. En effet, si ce qui n'existe pas vraiment (réalité virtuelle, etc...) existe, alors ma simple phrase se retrouve dénuée de sens et ma très chère réalité semble s'étioler dans les tréfonds de la psychologie jusqu'à butter sur la question tôt ou tard inévitable... suis-je réel...?
Mon esprit revient immanquablement vers du concret pour ne pas se perdre en considérations abstraites et multidimensionnelles. Impossible de "partir" en "voyage" intellectuel sans billet retour vers notre réalité tangible ou alors, c'est la "folie" qui guette aux portillons de nos esprits.
La "folie" est-elle une façon de percevoir une "autre" réalité" tangible ou palpable.... ?
Mystère....
Ce qui devient évident par contre, c'est que la psychologie devient un vecteur essentiel à la compréhension de la réalité. La psychologie ou notre conscience d'exister comme la caméra qui permet de capter l'environnement physique et psychologique.
En cherchant un peu sur Wiki je tombe sur un nouveau mot, du moins pour moi : solipsisme
Et qui semblerait en un tour de main expliquer ce qui est réel de ce qui ne l'est pas, en gros et si j'ai bien compris, en partant de la formule "Je pense... donc je suis (ou j'existe) et en inversant le sens de la phrase j'en arrive à la conclusion que si "Je ne pense pas...donc je n'existe pas"...
Ah...! Ça veut dire que le monde s'arrête de tourner pour moi lorsque je suis mort et qu'il n'y a d'autre réalité que celle que je peux mentaliser...
J'avoue que cette définition me laisse quelque peu pantois. Cela veut dire qu' avant l'émergence de l'homme et de son super cerveau sur notre bonne vieille planète, la réalité n'existait tout simplement pas. Un Tyrannosaure qui arrache la cuisse à un Tricératops, ce dernier n'avait pas lieu de se plaindre puisqu'il n'était pas réel. Mais bon, admettons que nos lointains ancêtres aient des prémices de conscience, assez du moins pour sentir la douleur, la formation des montagnes s'est faite dans le silence le plus total... ou alors expliquez-moi comment un son se produit sans qu'il y ait quelque chose qui n'existe pas le produise. Je n'ose même pas imaginer selon cette logique que la vie s'est déroulée comme un rêve, parce qu'effectivement, il faut bien une tête pour la rêver.
Ce qui m'embête dans cette théorie, c'est cette prédisposition que l'homme a de se prendre pour le centre de l'univers et/ou comme la "machine" la plus aboutie de notre évolution depuis que le big-bang est né, alors que ce que je considère comme étant la mécanique la plus accomplie, c'est bien l'univers lui même.
Cela me rappelle un passage du livre de Barjavel dans la faim du Tigre que je ne peux m'empêcher de retranscrire:
On a calculé que si on réunissait tous les êtres humains vivant sur la Terre, et si l'on parvenait à supprimer le vide de leurs atomes, toutes les particules qui composent l'espèce humaine tiendraient dans un dé à coudre.
Un dé à coudre de particules, et du néant, pour construire trois milliards d'hommes...
Prudence. Ces particules, ceux qui les connaissent le mieux en sont à se demander si elle ne sont pas seulement des parcelles d'énergie en mouvement. Et si elles ne se divisent pas à leur tour, en particules encore plus petites, séparées par du vide, lesquelles particules infiniment plus petites n'ont pas de raison de ne pas être à leur tour composées d' énormément de vide...
Ta femme, ton cœur, ma soupe, ma main, toi même... composés de tourbillons de rien qui ne sont jamais là ? Vanités des vanités, dit l'inconnu de l'Ecclésiaste, tout n'est que vanité. Il a peut-être commencé à le dire en sumérien. Peut-être bien avant Babel le disait-il déjà. Puis en araméen, en hébreu, en grec et en latin :
Vanitas..
dérivé de vanus, qui signifie : VIDE ...

Un dé à coudre empli de tourbillons de rien : c'est l'humanité.
Découpez, en trois milliards. prenez votre part.
Voilà le baigneur ! C'est l'homme. Je .
Moi qui écris ce livre...
Moi qui le lit...
Je suis un trois-milliardième de dé à coudre.
Cet acier dur, c'est du vide, tourbillons, néant.
C'est un couteau zéro. Ma main pareil. Mon cœur non plus... Pourtant, si ma main zéro prend ce couteau de vide et le plante dans ce cœur de rien...
Aïe !...
La vie, la mort, la souffrance ne tiennent pas dans le dé à coudre.

Je ne peux pas réduire l'existence à cette formidable danse des particules sans quelqu'un pour le sentir ou en souffrir, tout comme je ne peux envisager une tête pensante sans tous les éléments qui permettent de la constituer.
Ce qui m'amène à prendre en considération la citation de K.Dick
la réalité, c'est ce qui continue à s'imposer à vous quand vous cessez d'y croire "

ou bien la position de Richard Dawkins qui défini la réalité comme
ce qui vous riposte quand on donne un coup de pied dedans"

et à réunir deux personnages qui ne semblent rien avoir à faire ensemble (l'écrivain de Sci-fi des réalités multiples, multidimensionnelles, schizophréniques et l'éthologiste et théoricien de l'évolution à caractère athée ) autour d'une définition commune.
Je peux même faire le parallèle de cette rencontre fortuite avec l'observation de ce dernier sur les nombres premiers :
... aucune décision arbitraire ne peut empêcher un nombre premier de l'être, ni deux personnes qui n'ont jamais communiqué ensemble et vivent sur deux continents différents de découvrir les mêmes sans jamais s'être concerté.


Autrement dit, pas besoin d'une ou deux têtes pensantes pour qu'une réalité concrète ne s'impose à nous.
Bon, ceci étant dit, je ne peux évidemment pas jeter la thèse solipsiste en son entier comme une chose complètement inutile. Chacun possède sa part de vérité (ou sa part de réel)

(...)


lundi 23 avril 2007

mercredi 18 avril 2007

La Cigale... 4


Je suis petit oiseau
C'est la faute à Rousseau...
Son murmure s'estompa dans le bruit des voitures et s'envola vers des cieux plus cléments. Première réaction... se boucher le nez, et réfréner une certaine nausée.

Marcher dans la campagne le long des chemins enneigés l'avait somme toute requinquée, malgré quelques douleurs... Elle avait pu ainsi oublier sa faim et se revigorer; d'air frais. Mais ces odeurs d'essence et de diesel lui rappelèrent sa condition. Celle d'une affamée de nourritures saines pour le corps et l'esprit.
Elle ne put s'empêcher de penser que pour l'heure, n'importe quel aliment lui serait utile ...!
- "Pour celle de l'esprit, j'en fait mon affaire" parla/chanta notre Cigale, bien qu'un tremblotement dans sa voix lui révéla quelques sources d'inquiétude. Il lui avait suffit d'affirmer une chose à voix haute, pour immédiatement penser son inverse. Et si... et si l'inspiration venait à lui manquer... Et si...?!?!
Elle ressenti ses doigts glacés sur son violon.
La perte de son archet, oublié malencontreusement près de la Fourmi sa voisine, lui revint en mémoire; comme une douleur de plus à endosser. Impossible de faire marche arrière. Elle aurait pu, bien sûr... mais à présent, c'était vraiment trop tard. Sur le moment, la réponse de sa riveraine l'avait complètement décontenancée. Elle n'avait plus que pensé à fuir cet endroit inhospitalier. Mais, maintenant, un regret lui chatouillait les vertèbres et avait la faculté de la rendre nerveuse et irritable.
- "Quelle imbécile je fait" s'épancha-t-elle sur son cas, "dire que je n'aurais eu qu'à revenir en arrière pendant qu'il était encore temps pour reprendre mon bien précieux, mais au lieu de cela, je me suis lancée à corps perdu vers l'inconnu pour soigner mon âme."
Elle s'arrêta de marcher, contempla un bananier qui faisait pâle figure sous ces latitudes, puis reprit sa marche.
- "Bon, disons que j'étais complètement paumée."
Elle changea son violon de main pour réchauffer celle qui venait de travailler.
- "Mais... mais... il ne faut pas que je désespère, j'ai tout de même plus d'un tour dans mon sac, et pour plus bizarre que cela puisse paraître à certains... ainsi qu'à moi-même...hi ! ... j'ai de la chance !"
Malgré ses bonnes intentions et son caractère optimiste bien réel, cette phrase se mit à tourner en boucle dans son esprit, terminant par; j'ai de la chance et commençant par il ne faut pas que je désespère.
L'idée lui vint que ces loops de son esprit se mirent à se balader dans son corps. Réveillant de ci, de là, quelques douleurs dorsales et lombaires, pour finir en circuit fermé dans le creux de son estomac. Un sentiment d'impuissance vint engourdir son corps en entier pour jouer en duo avec le doute qui ne cessait de croître dans son organisme. La Cigale essaya de stopper cette chanson de la maladie qui semblait prendre possession de son corps, en la niant, tout simplement. Elle alla chercher tout un tas de raisonnements qui pouvaient prouver qu'elle n'avait pas le droit d'être malade et que d'ailleurs... la maladie n'est pas une chanson, comme elle se l'était mise à penser. Un vertige s'empara d'elle, la faisant valser légèrement sur place. Son univers devint confus le temps d'une seconde interminable. Elle tendit sa main vers le chaos et la sentit s'accrocher à un grillage qui lui évita la chute.
Une bouffée de chaleur froide la traversa jusqu'aux minuscules gouttelettes de sueur qui se mirent à lui envahir le corps..
- "Hou la ..." dit-elle, "ce n'est vraiment pas le moment de me focaliser sur mes angoisses" mais elle ne sut que rajouter à ses pensées. Une brise glaciale la transperça comme un courant électrique. Cette décharge eu pour effet de la stimuler à mettre les voiles le plus rapidement possible, et de ne plus perdre une seule seconde. Une voix lugubre et irréelle sonna le glas dans son esprit : "Je veux mourir"... mais elle refoula cette pensée sans contremesure pour ne penser qu'à avancer... avancer vers le centre-ville, ne plus penser à quoi que ce soit qui puisse l'égarer ...
D'un pas accéléré, elle entama les premiers trottoirs de la ville qui venaient fricoter avec la zone industrielle.
Son attention se fixa sur les voitures qui la croisaient. Elle put distinguer, au volant; des fourmis pour l'essentiel, mais aussi des araignées, une coccinelle et un scarabée avec une voiture qui semblait empester 10 fois plus que les autres et pour combler son étonnement, elle crut apercevoir une cigale au volant d'un bolide avec un moteur bien ronronnant. Une petite merveille technologique bleu-ciel qui la croisa en coup de vent. La cigale cru distinguer un ricanement sur le visage du conducteur qui semblait lui être adressé, mais elle secoua ses antennes et son chapeau pour dire à voix haute :
- "Je n'suis pas jalouse, ni parano, ce n'est pas du tout ni mon envie, ni mes principes et je dois sûrement me faire des idées. Entre musiciens, nous sommes tous solidaires, c'est bien connu."
Elle rumina quelques instants sa dernière phrase. Elle savait qu'elle avait fait le choix, depuis bien longtemps d'ailleurs, de faire partie des utopistes, de ceux qui basent leurs réflexions autour des points positifs de toute chose et que,par conséquent, toutes les petites mesquineries et autres conflits de pouvoir auxquels s'adonnaient la plupart de ses contemporains, comme un sport d'entretien physique ou de haut niveau, n'étaient semblables qu'à ces brouillards et ces intempéries d'une planète qui ne remettent nullement en cause la stabilité du système en son entier. Comme notre bonne vieille planète, si douce et si accueillante pour la vie...!?
...

Elle continua à avancer frileusement sur le pavé humide de la ville. La neige, ici, était réduite à longer les caniveaux et à absorber en grande partie la pollution du macadam. Seuls les toits pouvaient se pavaner de beaux manteaux blancs d'hiver. Quelques cheminées éparpillées dans le décor crachotaient paisiblement leurs fumées, prometteuses de doux foyers confortables. Des portes et des fenêtres pour vous accueillir le long des rues emplissaient l'essentiel de son champ de vision. Durant un court instant, en faisant abstraction des quelques voitures qui semblaient égarées, la Cigale se mit à croire que la ville était vide :
- "Mais où sont tous ces gens ??" se demanda-t-elle à mi-voix. Puis elle comprit que c'était l'heure du repas. Elle avala sa salive et se mit à mastiquer un rôti imaginaire. Elle eut envie de frapper à la première porte venue et d'ouvrir son coeur contre un bon repas chaud, mais, finalement, se ravisa. Elle s'était faite moucher par sa voisine qui, elle, la connaissait et connaissait ses occupations. Alors, des étrangers... C'en était trop pour sa fierté.
- "Non" se dit-elle, "il faut que je gagne mon argent pour ne dépendre de personne." Son ventre ne pu tenir d'impatience et lui cria famine en lui rappelant quelques versets de la Bible appris dans sa jeunesse et tenus pour incontournables : "Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on vous ouvrira."
La Cigale ne put s'empêcher de rire en penssant que son ventre pouvait avoir des opinions théologiques.
- "Oui mais..." rétorqua la Cigale, il est dit aussi :
- "Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement ?"
Un silence s'installa entre la Cigale et son ventre. L'espace parut s'arrêter avec le temps autour d'eux. Attendant une conclusion de leur dilemne.
- "Ha... quelle poisse! ; j'y crois lorsque tout va bien et je doute lorsque rien ne va. Est-ce que je doute de l'existence d'un créateur dans notre univers ?..."
Elle se sentit rougir puis continua :
- "Il est évidemment plus facile de croire en un seigneur protecteur le ventre plein plutôt que le ventre vide."
Elle voulu rajouter quelque chose de plus spirituel et échoua sur un...
- "Non... oui... Je n'sais pas."
Ses épaules parurent lui peser le poids du monde et ses dernières réserves d'énergie toucher à leurs fins.
Une voix surgit de derrière la Cigale :
- "Hé !"
La Cigale prit un peu peur et regarda par-dessus son épaule. Elle vit deux jeunes fourmis, dont l'un d'entre eux s'adressait à elle avec des bières à la main et un aspect légèrement rebelle.
- "Il ne faut pas rester là, monsieur, vous allez attraper froid."
- "Heu... -dit la Cigale quelque peu agacée- je ... réfléchissais."
- "Wouahou... -dit l'autre jeune fourmi- c'est un vrai violon que vous avez là ? Vous n'avez pas peur de l'abîmer sans étui avec ce temps ?"
- "C'est-à-dire que ..." essaya de répondre la cigale.
- "Vous ne voulez pas nous jouer un p'tit morceau ?"
- "Non... -trancha délicatement la Cigale- je... n'ai pas le temps. Je..." puis elle fit mine de s'en aller.
- "C'est dommage... -rétorqua la première fourmi- Vous voulez une bière ou une clope peut-être, histoire de vous motiver ?"
La Cigale resta stupéfaite d'une pareille générosité si spontanée, bien que l'alcool et la cigarette n'étaient pas vraiment ce dont elle avait besoin.
L'idée de cadeau empoisonné se mit à battre ses tempes.
- "Non... merci..." elle parut hésiter encore "j'ai arrêté de fumer il y a queques temps. Ce n'est pas bon pour le souffle vous savez..."
L'un des jeunes fourmis lui tendit une bière en lui disant :
- "Allez, une bière, ça ne peut pas vous faire de mal. Tous les artistes picolent, pas vrai ?"
- "Non... sans façon, en quelque sorte, j'ai de la chance d'avoir toujours eu un estomac fragile et la bière n'est pas ma tasse de thé !"
- "Vous n'êtes pas un artiste alors..."
La Cigale cru voir la pression monter dans son cerveau, ressemblant à une cocotte-minute avec deux mots à l'intérieur : P'tit con !
Un riff de guitare métallique, lourd et tranchant se mit à hanter les tréfonds de ses neurones.
- "Hé bien non... tous les artistes ne boivent pas forcément et ne..."
- "Se sont les nuls -lui coupa la jeune fourmi- ou les trucs ringards ou démodés.
- "Ringards ??..." répéta la Cigale touchée en plein coeur, comme si ce mot avait trouvé une faille où s'introduire.
- "Vous n'êtes que des..." des dizaines et des dizaines de phrases et d'idées se mirent à essayer de prendre place sur la piste de décollage de la bouche de la Cigale, mais les mots se mélangèrent faute de trouver un objectif clair et déterminé.
- "... des jeunes..."
Sa voix fit plus penser au son d'un boulon rouillé que l'on dévisse plutôt qu'à sa voix mélodieuse de ténor. Elle se racla la gorge ; se demanda si elle ne devait pas accepter au moins une gorgée de bière, histoire de retrouver du peps et de prendre une fichue cigarette pour montrer à ses deux freluquets qui était un homme et un artiste. La Cigale se frotta les antennes et ne pu s'empêcher de penser à mi-voix.
- "Mais, qu'est-ce que je raconte... je dis n'importe quoi !"
Les deux jeunes fourmis se dévisagèrent. L'un d'eux fit un geste en désignant la Cigale, signifiant qu'il était complètement timbré puis, sans aucune empathie déclara à son copain :
- "Aller, viens, c'est un fou et un clochard, regarde comment il est habillé. Avec des journaux !"
- "Hé Papy, l'asile de fous, il est par là..." et ils s'éloignèrent en ricanant sur son sort.
A cet instant précis, la Cigale crut avaler un oursin de mer ou un hérisson ou quelque chose dans ce goût là.
Se faire humilier de la sorte par deux blancs-becs sentant encore le petit lait, même s'ils s'allaitaient maintenant à la bière, c'était jouer avec la corde sensible de son alter ego. Elle essaya de chasser le chat aux griffes acérées qui s'était installé dan sa gorge et réussi à sortir un :
- "Des jeunes... des jeunes... "des jeunes vieux chnoques oui... -sur un ton irrité- "avec des idées arrêtées et un espsrit aussi serré qu'un cube, sans aucune curiosité vers d'autres types d'expression. Il sont formatés, conditionnés, emballés et préparés à consommer les produits pré-digérés standards de la musique en boîte."
Elle arrêta son monologue pour méditer sur sa jeunesse.
- "C'est vrai que je n'ai pas tout de suite été ouvert à tous les styles ; j'avais trop de rage, trop de souffrance, trop de..."
Elle s'arrêta de parler pour lâcher un énorme soupir.
- "Je n'ai pas le temps... je n'ai pas de temps... j'aimerais bien pouvoir m'assoir là maintenant, tout de suite, pour m'épancher sur les conflits de générations et sur la valeur artistique comme source d'ouverture à l'humanité mais... il faut que je mange... et la nuit tombe.
Elle regarda le ciel gris glacé et fût surprise de voir un oiseau dans le ciel et parla aux cieux :
- "Dieu des cigales et des autres mondes ; Dieu des univers ou peut-être seulement du notre, aide-moi, je t'en prie."
Elle fit mine d'attendre une réponse, puis s'exclama :
- "Je sais, chaque fois que je te fais une prière tu me réponds : "Aide-toi et le ciel t'aidera". Merci Seigneur, tu es trop bon !"
Elle haussa les épaules et les laissa tomber sur un signe de résignation.
- "Ok -dit-elle- il faut que je revienne à une vieille méthode, il faut que j'appelle le 115."
Une flopée de souvenirs vint l'envahir jusqu'au tréfond de ses tripes. Des images d'une période pour elle révolue, chargées de honte et d'espoir. Elle avait beau appeler le système social de maman Marianne et d'honorer sa fonction de protectrice des plus démunis, ce qui avait la faculté de lui révéler un aspect protecteur de la conscience sociale, elle n'en avait pas moins honte de devoir lui faire appel. C'était pour elle l'équivalent d'un dépôt de bilan. Un constat amer d'échec. S'avouer vaincu dans ses désirs et dans sa capacité à assumer le travail qu'elle s'était donné pour objectif. Elle avait cherché son fonds de commerce dans la providence et le don de soi à la quête spirituelle et musicale. C'était en quelque sorte, pour elle, quitter les chemins de l'indépendance pour ceux de la dépendance à la charité institutionnelle d'un système qu'elle voulait bien défendre, mais surtout, ne pas en faire partie. Elle sentit toute son arrogance s'éfriter dans la désillusion. Elle préférait de loin la solidarité de proximité à celle d'une société organisée et impersonnelle.
- "Je touche le fond et la boîte noire de ma conscience" dit-elle sur un air à faire flétrir une fleur.
- "Il faut que je me ressaisisse avant de sombrer dans un puits trop dur à remonter Je n'en suis pas à mes premiers hivers. J'ai de l'expérience. Je n'ai besoin que d'un peu de repos et d'un bon repas pour me remettre en selle. Ils m'aideront à rebondir."
Sur ce, elle se mit à la recherche d'un téléphone.

mercredi 4 avril 2007

(d'après Souvenirs entomologiques, de Jean-Henri Fabre, 5ème série, chapitre 5)

« La renommée se fait surtout avec des légendes ; le conte a le pas sur l'histoire dans le domaine de l'animal comme dans le domaine de l'homme. L'insecte, en particulier, s'il attire notre attention d'une manière ou de l'autre, a son lot de récits populaires dont le moindre souci est celui de la vérité. Et, par exemple, qui ne connaît, au moins de nom, la Cigale ? Où trouver, dans le monde entomologique, une renommée pareille à la sienne ? Sa réputation de chanteuse passionnée, imprévoyante de l'avenir, a servi de thème à nos premiers exercices de mémoire. En de petits vers, aisément appris, on nous la montre fort dépourvue quand la bise est venue et courant crier famine chez la Fourmi, sa voisine. Mal accueillie, l'emprunteuse reçoit une réponse topique, cause principale du renom de la bête. Avec leur triviale malice, les deux courtes lignes :

Vous chantiez ! j'en suis fort aise. Eh bien, dansez maintenant.

ont plus fait pour la célébrité de l'insecte que ses exploits de virtuosité. Cela pénètre comme un coin dans l'esprit infantile et n'en sort jamais plus…

A qui revient la responsabilité de ces étranges erreurs ? La Fontaine, qui nous charme dans la plupart de ses fables par une exquise finesse d'observation, est ici bien mal inspiré. Il connaît à fond ses premiers sujets, le Renard, le Loup, le Chat, le Bouc, le Corbeau, le Rat, la Belette et tant d'autres, dont il nous raconte les faits et gestes avec une délicieuse précision de détails. Ce sont des personnages du pays, des voisins, des commensaux. Leur vie publique et privée se passe sous ses yeux ; mais la Cigale est une étrangère là où gambade Jeannot Lapin ; La Fontaine ne l'a jamais entendue, ne l'a jamais vue. Pour lui, la célèbre chanteuse est certainement une sauterelle…

Essayons de réhabiliter la chanteuse calomniée par la fable. C'est une importune voisine, je me hâte de le reconnaître. Tous les étés, elle vient s'établir par centaines devant ma porte, attirée qu'elle est par la verdure de deux grands platanes ; et là, du lever au coucher du soleil, elle me martèle de sa rauque symphonie. Avec cet étourdissant concert, la pensée est impossible ; l'idée tournoie, prise de vertige, incapable de se fixer. Si je n'ai pas profité des heures matinales, la journée est perdue…

La vérité rejette comme invention insensée ce que nous dit la fabuliste. Qu'il y ait parfois des relations entre la Cigale et la Fourmi, rien de plus certain ; seulement ces relations sont l'inverse de ce qu'on nous raconte. Elles ne viennent pas de l'initiative de la première, qui n'a jamais besoin du secours d'autrui pour vivre ; elles viennent de la seconde, rapace exploiteuse, accaparant dans ses greniers toute chose comestible. En aucun temps, la Cigale ne va crier famine aux portés des fourmilières, promettant loyalement de rendre intérêt et principal ; tout au contraire, c'est la Fourmi qui, pressée par la disette, implore la chanteuse. Que dis-je, implore ! Emprunter et rendre n'entrent pas dans les moeurs de la pillarde. Elle exploite la Cigale, effrontément la dévalise. Expliquons ce rapt, curieux point d'histoire non encore connu.

En juillet, aux heures étouffantes de l'après-midi, lorsque la plèbe insecte, exténuée de soif, erre cherchant en vain à se désaltérer sur les fleurs fanées, taries, la Cigale se rit de la disette générale. Avec son rostre, fine vrille, elle met en perce une pièce de sa cave inépuisable. Etablie, toujours chantant, sur un rameau d'arbuste, elle fore l'écorce ferme et lisse que gonfle une sève mûrie par le soleil. Le suçoir avant plongé par le trou de bonde, délicieusement elle s'abreuve, immobile, recueillie, tout entière aux charmes du sirop et de la chanson.

Surveillons-la quelque temps. Nous assisterons peut-être à des misères inattendues. De nombreux assoiffés rôdent, en effet ; ils découvrent le puits que trahit un suintement sur la margelle. Ils accourent, d'abord avec quelque réserve, se bornant à lécher la liqueur extravasée. Je vois s'empresser autour de la piqûre melliflue des Guêpes, des Mouches, des Forficules, des Sphex, des Pompiles, des Cétoines, des Fourmis surtout.

Les plus petits, pour se rapprocher de la source, se glissent sous le ventre de la Cigale, qui, débonnaire, se hausse sur les pattes et laisse passage libre aux importuns ; les plus grands, trépignant d'impatience, cueillent vite une lippée, se retirent, vont faire un tour sur les rameaux voisins, puis reviennent, plus entreprenants. Les convoitises s'exacerbent ; les réservés de tantôt deviennent turbulents agresseurs, disposés à chasser de la source le puisatier qui l'a fait jaillir.

En ce coup de bandits, les plus opiniâtres sont les Fourmis. J'en ai vu mordiller la Cigale au bout des pattes ; j'en ai surpris lui tirant le bout de l'aile, lui grimpant sur le dos, lui chatouillant l'antenne. Une audacieuse s'est permis, sous mes yeux, de lui saisit le suçoir, s'efforçant de l'extraire.

Ainsi tracassé par ces nains et à bout de patience, le géant finit par abandonner le puits. Il fuit en lançant aux détrousseurs un jet de son urine. Qu'importe à la Fourmi cette expression de souverain mépris ! Son but est atteint. La voilà maîtresse de la source, trop tôt tarie quand ne fonctionne plus la pompe qui la faisait sourdre. C'est peu, mais c'est exquis. Autant de gagné pour attendre nouvelle lampée, acquise de la même manière dès que l'occasion s'en présentera.

On le voit : la réalité intervertit à fond les rôles imaginés par la fable. Le quémandeur sans délicatesse, ne reculant pas devant le rapt, c'est la Fourmi ; l'artisan industrieux, partageant volontiers avec qui souffre, c'est la Cigale. Encore un détail, et l'inversion des rôles s'accusera davantage. Après cinq à six semaines de liesse, long espace de temps, la chanteuse tombe du haut de l'arbre, épuisé par la vie. Le soleil dessèche, les pieds des passants écrasent le cadavre. Forban toujours en quête de butin, la Fourmi le rencontre. Elle dépèce la riche pièce, la dissèque, la cisaille, la réduit en miettes, qui vont grossir son amas de provisions. Il n'est pas rare de voir la Cigale agonisante, dont l'aile frémit encore dans la poussière, tiraillée, écartelée par une escouade d'équarrisseurs. Elle en est toute noire. Après ce trait de cannibalisme, la preuve est faite des vraies relations entre les deux insectes. »

mardi 3 avril 2007

La Cigale... et après...3


La faim dans le ventre, la Cigale décida d'aller en ville et laisser son champ d'inspiration pour aller vendre son savoir-faire.
- "Je n'aime pas ce mot : vendre" se dit-elle dans une mélopée languissante.
- "Je n'ai rien contre le commerce et l'argent, après tout, l'argent n'est qu'un outil comme les autres, il suffit de bien l'utiliser, pour faire grandir tous les travailleurs de bonne foi... Oui mais... Oui mais... Oui mais voilà, c'est bien là tout le problème, c'est qu'il y a toujours un mais"
Son ventre lui rappela quelques priorités dans l'existence en gloussant quelque peu d'impatience
- "Ha !... Tu m'énerves toi aussi" s'écria-t-elle contre son ventre
- "Comment est-ce que je peux bien réfléchir avec le ventre vide et mes pauvres membres en coton... et voilà que je parle toute seule maintenant."
Son ventre ne répondit pas et garda un silence lourd de signification mais avec le respect solidaire du binôme embarqué dans la même galère.
Elle se rappela sa jeunesse où elle disait fièrement à qui voulait bien l'entendre :
"La faim stimule les neurones et la pousse à trouver des solutions...
Choses que les ventres pleins ne savent faire."
Ses antennes se rabattirent sur les rebords de son chapeau comme les oreilles d'un chien blasé par son destin.
- "J'en ai maaaarre, ouh que j'en ai maaaarre" sanglota-t-elle dans un style oriental, à la fois pour se plaindre et se réchauffer.
- "Voilà que tout ça me force à réfléchir alors que ce n'est vraiment pas le moment..."
La Cigale s'arrêta de marcher, fronça les sourcils, fit une grimace de chien en colère.
- "Hé toi, mon cerveau, tu ne peux pas me lâcher un peu aussi ?
Tu m'emmènes dans des paradoxes qui ne valent pas un sou entre mon cerveau et mon ventre, pour savoir qui commande et qui travaille le mieux...
Mettez-vous d'accord et lâchez-moi les baskes une fois pour toute! Sinon, je vous préviens, on est foutu tous les trois. N'oubliez pas que l'on a besoin de toute notre énergie pour jouer sur le marché, et au cas où vous l'auriez oublié, il y a encore une trotte à faire."
Une fois son discours balancé comme ça à tue-tête et croyant avoir trouvé tous les arguments pour moucher ses deux collocataires, son visage se figea de stupeur en se remémorrant un petit détail qu'elle chuchota sans l'ombre d'une mélodie.
- "Des... paradoxes... qui... ne... me valent... pas un sou..."
...
- "Voilà que je parle comme la Fourmi maintenant !..."
Ses antennes qui avaient repris de la vigueur se ramolirent instantanément. Elle sentit des millions de fourmis lui envahir la cervelle, travaillant sans relâche dans des échanges d'informations et de différentes gestions de son organisme. Avec leurs moeurs si variées et leurs vies en société, avec leurs ouvrières, leur bétail, leurs esclaves, leurs autoroutes et leurs couloirs interminables qui vous donnent des cauchemars, tout à fait kafkaïen, leurs colonies, leurs réseaux aériens, leurs femelles et leurs nuits de noces, leurs langages et leurs nids, leurs habitations, leurs enfants à élever, leurs animaux domestiques et leur travail de concert pour arriver à un but déterminé. Mais aussi leurs soldats et leurs guerres jusqu'à asservir d'autres populations sous leur joug.
Jusqu'à ce qu'une énorme explosion vienne envahir tous les champs de ses pensées.
- "Assez !..." cria la Cigale
- "Laissez-moi tranquille..."
Son cri lui revint en écho par les collines avoisinantes jusqu'à ce que le doux murmure de la forêt et de l'hiver reprenne sa routine. Elle resta ainsi suspendue à ce silence, savourant à nouveau une certaine tranquilité de l'esprit. Elle ses racla la gorge pour improviser un chant et puis se ravisa. Ce n'était vraiment pas le moment de s'oublier en chantant des hymnes à la nature et aux vertus du silence. Après tout, comment honorer le silence que par un silence...
- "Mouais..." et elle se mit à fredonner malgré elle cette chanson de Simon and Garfunkel.
- "Because it's the sound... of silence..."
...
- "Ha non ! Je ne vais pas remettre ça à nouveau. Silence. Pas silence. En route. J'ai du travail qui m'attend, et le ventre vide de surcroît."
Elle reprit son baluchon laissé au sol le temps de ses intempéries psychologiques, contenant ses maigres affaires, son flûtiau et ses stylos, son livre rencontré sous la neige : Le contrat social, de Rousseau, plus le Discours sur l'inégalité des hommes. Elle attrapa son violon sans archet dans son autre main et se remit en route.
- "Et voilà que mes épaules me font souffrir et que j'en ai plein le dos de répéter et voilà à tout va. Comme si je ne savais que faire que de tristes constatations dans ma vie."
- "Basta !..."
La Cigale posa son attirail sur un rocher qui faisait figure de grosse pierre sur le chemin. Elle s'étira un peu et se détendit les épaules, parut repartir dans une méditation profonde en donnant à chaque main l'attitude d'un plateau de balance.
- "Ce que c'est lourd la culture" se dit-elle ou dit-elle à son sac, sur un ton parfaitement ironique. Elle se décrispa encore un peu en essayant de se masser le dos et ses ailes endolories.
- "Il va falloir que je fasse du lest ou je n'y arriverai pas."
Cette idée la tourmenta à nouveau. Elle avait même pu oublier le froid quelques instants mais celui-ci était bien coriace et sa prédilection va tout spécialement vers les proies affaiblies. Pour oublier le froid, elle se remit à se parler à voix haute sans complexe.
- "Je ne peux pas abandonner mon violon tout de même..."
Elle prit son baluchon dans la main, le soupesa et le regarda sous toutes ses coutures. Ouvrit ce qui lui semblait paraître une corne d'abondance et prit le gros livre encore un peu humide de Rousseau. Elle s'adressa franchement à son cher trésor.
- "Il va falloir que je te laisse par ici. J'en suis tellement désolée, mais tu es décidement trop lourd pour moi."
Elle regarda encore un peu autour d'elle, en espérant trouver quelqu'un à qui le donner puis elle reprit :
- "J'aurais tellement aimé te comprendre en entier et t'apprivoiser... ou bien est-ce les livres qui nous apprivoisent ?... Ha, mon cher ami, nos chemins vont devoir se séparer et c'est avec un grand regret que je te quitte. Toi tu ne souffres pas autant que moi des affres du vivant. Tu sembles avoir acquis une certaine éternité et tu dois avoir des semblables à toi-même qui véhiculent ton savoir, tes défauts et tes espérances, pour que les générations futures s'abreuvent de ton expérience. Mais moi qui suis-je ? Je n'ai fait que jouer de mes instruments contre vents et marées qui se sont acharnés sur moi. Je ne cherchais qu'à apprendre et trouver le meilleur de moi-mêmen pour pouvoir briller comme une étoile dans les déserts de cette existence. Mais c'est à croire que la nature me fait payer cette arrogance. Bien sûr que j'ai joué pour les étoiles, les arbres et mon voisin de palier, mais qui se souviendra de moi? L'eau à sa mémoire et les plantes également. Je peux même entrevoir que l'univers... se souvient de tout un chacun. Mais je sais maintenant que je suis un piètre Saint François qui aimait chanter sa vie de foi à tous les animaux et toutes les plantes que l'on voit, tout en confiant son sort aux seuls chemins de la providence.
J'y ai goûté à cette richesse du hasard, qui m'a conduit d'Assise jusqu'à la Prophétie des Andes.
La Cigale s'arrêta un peu pour reprendre ses esprits et ne pas s'embaler.
- "A mon corps défendant, j'avance que je suis tombée malade ; des rhumatismes m'ont tourmenté depuis mon tout jeune âge et ma famille, pour plus étrange que cela puisse parâitre... étaient des Fourmis."
Il y eut un moment d'absence dans son univers, comme un grain de poussière dans un engrenage bien huilé. Peut-être une boîte à Pandore qui ne devrait jamais être ouverte, contenant tous les fantômes du passé et d'un avenir cahotique. Elle caressa d'une main frileuse son ami de fortune et revint sur le tranchant de ses idées.
- "J'ai pourtant lutté pour mes rêves, oubliant le cycle des dimanches et des jours de fête, j'ai pour ainsi dire ramé à contre culture pour conquérir ma liberté. Jamais je ne me suis plaint de mon sort plus d'une journée. J'ai longtemps fredonné en mon coeur "Ma Liberté" de Moustaki. J'ai eu mes heures de gloire et mes moments de répit."
Elle secoua ses antennes comme pour revenir à la réalité.
- "Mais je n'peux pas m'étaler devant toi en cette heure si sombre, il me faudrait tout un livre, qui t'égalerait sûrement en poids et en ombres. Les livres restent et les voix s'envolent."
La Cigale déposa son compagnon de voyage sur l'énorme pierre, avec l'élégance d'un geste solennel de qui va poser la première pierre d'une cathédrale, essuya une larme naissante et lui tourna le dos sans se faire attendre, en prenant le reste de ses affaires, puis elle s'écria tout en prenant le large :
- "Mais je garde encore sur moi Ton Discours... Rousseau... tu m'entends ?" cria-t-elle de plus en plus fort, tout en s'éloignant.
- "Et j'éviterai de tomber le nez dans le ruisseau." puis elle disparu vers la ville.
Mais ma foi se butte sur mes désirs et mes besoins de tout expliquer.

jeudi 29 mars 2007